19 mars 2008

God Save la France. Stephen Clarke

Sur le point de retourner vivre à Paris, voilà de quoi replonger dans le bain (alias métro, grèves, ronchonnements, superficiel). Lire ce portrait de la capitale en anglais lui aurait certainement donné plus de charme, au risque de ne pas saisir la moitié des quiproquos du à notre langue veri veri compliquètid.



"Comme la plupart des Parisiens également, j'en avais par-dessus la tête des voisins. Je connaissais à la seconde près l'emploi du temps matinal de la famille qui vivait au-dessus de ma tête. 7 heures, le réveil sonne, braoum, Madame saute du lit, enfile ses godillots ferrés et martèle mon plafond pour aller réveiller les gosses au mégaphone. Les gosses laissent tomber plusieurs caisses d'obus sur le plancher puis foncent vers la cuisine en traînant des enclumes. Ils prennent leur morceau de baguette puis vont s'asseoir devant la télé, qui diffuse forcément un dessin animé où les personnages braillent et explosent. Une fois par minute, l'un des gamins repasse par la cuisine en mode char d'assaut, laisse tomber quelques obus puis repart vers la télé suivi par une famille de kangourous surexcités. Entre-temps, ils ont tiré la chasse une cinquantaine de fois par goutte d'urine. Le raffut culmine avec dix minutes de hurlements intensifs et, à 8h15, ils se ruent comme une tornade hors de l'appartement, direction l'école.
A peine ai-je absorbé une infusion calmante de thé que Madame est de retour et lance à l'assaut du désordre une équipe d'hippopotames domestiques, qui claquent du sabot (ou ce qui en tient lieu chez les hippos) au rythme des beuglements nasaux d'un crooner français au stade terminal du chagrin d'amour. Un jour, j'ai osé monter l'escalier pour demander si les hippos avaient réellement besoin de porter des talons aiguilles, mais une snobinarde en collier de perles m'a claqué la porte au nez."

12 novembre 2007

Le Joueur d'échecs. Stefan Zweig

Plusieurs années plus tard, à la seule évocation de ce titre, la folie de M.B. emprisonné par la Gestapo se mélange toujours aux 64 cases de l'échiquier. Un roman court qui sait s'insinuer dans votre esprit et s'y installer en arrière-plan pendant un moment.




"Assurément je connaissais par expérience le mystérieux attrait de ce "jeu royal", le seul entre tous les jeux inventés par les hommes, qui échappe souverainement à la tyrannie du hasard, le seul où l'on ne doive sa victoire qu'à son intelligence ou plutôt une certaine forme d'intelligence. Mais n'est-ce pas déjà le limiter injurieusement que d'appeler les échecs un jeu ? N'est-ce pas aussi une science, un art, ou quelque chose qui, comme le cercueil de Mahomet entre ciel et terre, est suspendu entre l'un et l'autre, et qui réunit un nombre incroyable de contraires ? L'origine s'en perd dans la nuit des temps, et cependant il est toujours nouveau ; sa marche est mécanique, mais elle n'a de résultat que grâce à l'imagination ; il est étroitement limité dans un espace géométrique fixe, et pourtant ses combinaisons sont illimitées. Il poursuit un développement continuel, mais il reste stérile ; c'est une pensée qui ne mène à rien, une mathématique qui n'établit rien, un art qui ne laisse pas d'oeuvre, une architecture sans matière ; et il a prouvé néanmoins qu'il était plus durable, à sa manière, que les livres ou tout autre monument, ce jeu unique qui appartient à tous les peuples et à tous les temps, et dont personne ne sait quel dieu en fit don à la terre pour tuer l'ennui, pour aiguiser l'esprit et stimuler l'âme. [...] Jadis, la passion de la physiognomonie eût peut-être poussé un Gall à disséquer les cerveaux de champions d'échecs d'une telle espèce pour voir si la matière grise de pareils génies ne présentait pas une circonvolution particulière qui la distinguât des autres, une sorte de muscle ou de bosse des échecs. Combien l'eût intéressé ce cas d'un Czentovic en qui ce don spécifique s'alliait à une paresse intellectuelle totale, comme un seul filon d'or qui court dans une énorme roche brute !"

24 octobre 2007

Pietrolino - T1. Le Clown Frappeur. Jodorowsky & Boiscommun

Les Anges de Boiscommun voletaient toujours derrière moi, lorsque Pietrolino m'a lancé son regard triste, debout sur l'étagère de la librairie. S'échapper du magasin n'aura pas suffi à lui rendre le sourire, mais en étant là avec lui pour partager les instants douloureux, vous vous sentirez proche, très proche de cet homme qui ne souhaite que donner du bonheur pour retrouver le sien.




[Simio, compagnon de route de Pietrolino, raconte...] "Malgré les années passées au camp, Pietrolino n'avait rien retrouvé de l'usage de ses mains, et notre spectacle ne nous rapportait plus assez pour vivre depuis qu'on les lui avait brisées. Mais ce qui m'inquiétait le plus, c'est que son âme l'était aussi. Notre récente liberté ne faisait que lui rappeler les chaînes auxquelles il était encore attaché. La pensée de ne plus jamais faire rêver les gens l'anéantissait chaque jour un peu plus. C'est alors qu'il l'aperçut !!"